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Actualités

La convention d’Istanbul, retrait d'Erdogan

30 Mars 2021, 12:57pm

Publié par La Cgt70

Avec un décret publié dans la nuit de vendredi à samedi, le Président turc a décidé le retrait de son pays de la convention d’Istanbul, alors qu’il en était le premier signataire. Il s’agit là d’un acte arbitraire et autoritaire, car la convention a été adoptée et ratifiée par le parlement. En outre, ce retrait ne respecte pas non plus la procédure prévue dans le texte-même. Cette décision a déjà été qualifiée d’anticonstitutionnelle par de nombreux observateurs de la vie politique turque.

Elle s’inscrit dans une continuité de violations des droits et libertés les plus élémentaires cette dernière semaine : la destitution d’Ömer Gergeroğlu, député et défenseur des droits humains, l’interpellation de plusieurs centaines de militant.e.s du Parti démocratique des peuples (HDP), la demande judiciaire de l’interdiction définitive de ce dernier (3 e parti politique du pays) et la décision de retirer la propriété du parc Gezi (épicentre des contestations citoyennes de 2013) à la municipalité d’Istanbul.

Des groupes conservateurs revendiquaient le retrait de ce traité qui, selon eux, nuit aux valeurs familiales « traditionnelles » en défendant l'égalité des sexes et favorise la communauté LGBTQ+ en interdisant de discriminer en fonction de l'orientation sexuelle.

Samedi 20 mars, plusieurs milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs villes en Turquie en scandant « Annule ta décision, applique le traité ! ». Les violences conjugales ont explosé en Turquie ces dernières années : 300 en 2020 et déjà 77 depuis le début de cette année 2021.

La convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (convention d’Istanbul) – adoptée en 2011 et entrée en vigueur en 2014 – est le premier instrument en Europe à établir des normes contraignantes visant spécifiquement à prévenir les violences fondées sur le genre, à protéger les victimes de violences et à sanctionner les auteurs.

Les violences, y compris les crimes et délits qui touchent de façon disproportionnée les femmes, comme le viol, le harcèlement et les violences domestiques, constituent des violations flagrantes des droits humains et des atteintes à la dignité humaine, à l’égalité des sexes et au respect de soi.

Dorénavant il n’existait aucun cadre général au niveau européen énonçant des normes en matière de prévention, de protection, de poursuites et de fourniture de services adaptés pour répondre aux besoins des victimes et des personnes vulnérables.

La convention, née des travaux entrepris par le Conseil de l’Europe pour prendre la mesure des violences faites aux femmes, déterminer les lacunes juridiques et trouver des bonnes pratiques, prévoit un grand nombre de mesures, dont des obligations, allant d’actions de sensibilisation et de collecte de données à des mesures juridiques visant à la criminalisation de différentes formes de violence.

Contrairement à d’autres traités internationaux de lutte contre les violences sexistes, la convention d’Istanbul prévoit la mise en œuvre de politiques globales et coordonnées entre les organismes 2 nationaux et gouvernementaux qui participent aux activités de prévention, de poursuite et de protection.

La convention :

- définit et criminalise différentes formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence physique, sexuelle ou psychologique, le harcèlement, le harcèlement sexuel, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés, l’avortement et la stérilisation forcés;

- prévient les violences en obligeant les parties à investir dans des campagnes de sensibilisation, d’éducation et de formation pour les experts en contact étroit avec les victimes et en mettant en place des programmes de traitement des auteurs d’actes de violence, ainsi qu’en abordant la question du rôle des médias dans l’élimination des stéréotypes sexistes;

- protège les victimes en obligeant les États à mettre en place des services de soutien appropriés tels qu’une ligne gratuite d’aide téléphonique au niveau national, des hébergements, des conseils médicaux, psychologiques et juridiques, et une aide en ce qui concerne le logement et les questions financières;

- prévoit l’obligation pour les parties de collecter des données sur les infractions liées au genre;

- traite de l’asile et des migrations, car elle exige que les violences sexistes soient reconnues comme une forme de persécution lors de l’établissement du statut de réfugié;

- adopte une approche transfrontalière, obligeant les États parties à étendre leur compétence aux crimes commis à l’étranger par leurs ressortissants;

- introduit une définition du genre, à savoir «les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu’une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes», opposée à la définition habituelle fondée sur le sexe de la personne;

- porte sur les garçons et les hommes aussi bien que sur les filles et les femmes en tant que victimes potentielles, en particulier en ce qui concerne les violences domestiques et le mariage forcé.

 

Déclaration de la CES en réponse au retrait de la Turquie de la Convention d'Istanbul

 La Confédération européenne des syndicats condamne la décision du Président de la Turquie de retirer son pays de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul) et considère qu'il s'agit d'un signal dévastateur pour les femmes et les filles en Turquie et dans le monde. La CES demande instamment au gouvernement turc de reconsidérer cette action et de réaffirmer son engagement international à protéger les droits humains des femmes et des filles et de tous leurs citoyens.

La Convention d'Istanbul est le premier effort commun contraignant au monde pour combattre et prévenir toutes les formes de violence à l'égard des femmes, y compris le mariage des enfants, le viol conjugal, la violence domestique, les mutilations génitales féminines et la violence économique.

Le moment choisi pour faire cette annonce, en plein milieu d'une réunion de la Commission des Nations unies sur le statut de la femme et pendant l'année de célébration du 10e anniversaire de la Convention, est une provocation délibérée et représente une nouvelle attaque conservatrice contre la coopération internationale. Elle est particulièrement dangereuse et injustifiable compte tenu de l'indéniable pic de violence domestique dans le monde entier déclenché par la pandémie de COVID-19.

La CES exhorte les pays qui n'ont pas encore ratifié la Convention, à savoir la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Lituanie, la Lettonie et la Slovaquie, à ratifier immédiatement la Convention et à mettre en place des mesures adéquates qui protègent les femmes et les filles de la montée en flèche de la violence domestique et sexiste, et exhorte la Pologne et les autres pays à s'abstenir d'envisager de se retirer de la Convention.

La CES appelle la Présidente Ursula von der Leyen à utiliser toutes les mesures efficaces disponibles pour s'assurer que tous les États membres de l'UE ratifient la Convention et à travailler de toute urgence pour finaliser l'adhésion de l'UE à la Convention d'Istanbul.

La CES appelle tous les commissaires européens, le Parlement européen et tous les États membres de l'UE à soutenir la réalisation de cette " priorité clé " de la Commission von der Leyen. Le moment est venu de respecter l'engagement de l'UE à combattre et à prévenir la violence à l'égard des femmes et toutes les formes d'actions basées sur le genre. Tout autre résultat est inacceptable pour les femmes et les hommes qui travaillent en Europe.

La CES appelle l'UE à utiliser toutes les mesures efficaces disponibles pour inciter le gouvernement turc à reconsidérer sa décision de se retirer de la Convention d'Istanbul.

La CES rappelle que les critères de Copenhague définissent les conditions d'adhésion à l'Union européenne et parlent de l'existence d'institutions stables garantissant la démocratie, l'état de droit, le respect des droits de l'homme et le respect et la protection des minorités. Dans certains rapports d'avancement, la Turquie a été invitée à "assurer l'égalité des sexes, à éviter d'utiliser des critères vagues tels que la "moralité générale", à s'abstenir de considérer les femmes principalement comme des membres de la famille ou de la communauté, et à consolider les droits humains des femmes, y compris leurs droits sexuels et reproductifs, en tant que droits individuels".

La CES tient à exprimer sa solidarité avec les femmes syndicalistes de Turquie et à les assurer que nous sommes à leurs côtés.

 

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