Où se dirige le capitalisme avec la Covid-19?

Michel Husson produit régulièrement des choses d’une grande clarté et avec un impressionnant esprit de synthèse. Puisqu’il n’est pas nécessaire de redire ce que d’autres ont mieux dit, nous nous appuyons sur sa chronique du 9 février1 pour ce bref article.

Le constat : nous sommes dans un flou complet quant à la trajectoire possible de nos économies. C’est assez évident, mais la pandémie et son cortège d’instabilités sanitaires, économiques et sociales, rend toute vision sur l’avenir difficile voire impossible (cela explique en partie la montagne d’épargne accumulée par les ménages, essentiellement les plus 20 % les plus riches, et par les entreprises). Alors certes, dire qu’on ne sait pas n’aide pas beaucoup. Mais c’est ainsi.

Deux points majeurs de tension sociale

-La dette publique est pour Husson le premier point de tension sociale. La bataille austérité contre déficit budgétaire a déjà commencé à faire rage. Les premiers n’ont toujours pas appris les bases de l’économie : l’austérité, c’est la chute des revenus et avec elle… la hausse de l’endettement public rapporté à la richesse produite. Pour l’instant, il y a peu d’inquiétudes sur le front de la dette grâce à un soutien massif de la Banque centrale européenne qui rachète les titres de dette sur les marchés financiers. Avec pour effet pervers de faire s’envoler les cours en Bourse. Pour simplifier, l’action de la BCE diminue le rendement des titres de dette publique. Les investisseurs, qui se sentent en plus « garantis » par la banque centrale, achètent en masse d’autres titres plus risqués, et plus rémunérateurs. Il y a une équation financière très délicate qui peut très bien déboucher sur une crise financière majeure à très court terme. C’est dire l’urgence de gagner le financement d’un véritable plan de rupture contre l’austérité. C’est dire aussi l’urgence, comme nous le revendiquons avec un pôle financier public, de reprendre la main et de définanciariser notre économie au plus vite

-L’emploi et les profits sont bien sûr le deuxième point majeur de la lutte sociale. Le patronat va chercher à tout prix à rétablir ces profits, quand nous allons nous battre pour les emplois – le conflit capital-travail dans ce qu’il a de plus net. Car le constat est là : la part des profits dans la valeur ajoutée a diminué, passant de 33 % avant la crise à 30 %. Comment les employeurs vont-ils tenter de le relever? En cherchant à intensifier le travail (hausse de la productivité) d’abord? Cela impliquerait de l’investissement, qui est au point mort. En augmentant le temps de travail ? Le patronat cherche à convaincre que ce sera la seule manière de relancer la machine. Et puis évidemment, les licenciements restent la manière de tenter de restaurer ses marges face aux concurrents.

On a là une contradiction classique du capitalisme. Chaque employeur individuellement a intérêt à licencier, à augmenter le temps de travail, à tenter de baisser les salaires. Le capitalisme, c’est bien sûr d’abord la concurrence généralisée comme compas pour les décisions économiques. Mais on comprend bien vite que tout ceci va faire chuter l’emploi global, la demande (consommation des ménages et investissement)… et donc les résultats des entreprises.

Les rapports de force déterminent la trajectoire de l’économie

Husson conclue en rappelant que finalement, ce qui va déterminer la trajectoire de l’économie (et ce qui la détermine toujours en dernière analyse), ce sont les rapports de force sociaux. Nous prenons toute notre part à cette conflictualité, en continuant d’avancer nos revendications, pour la baisse du temps de travail, pour les salaires, pour la planification environnementale et industrielle, pour une autre utilisation des deniers publics, et évidemment pour l’emploi. Pas pour le plaisir du conflit, mais parce que nous continuerons à défendre sans rien lâcher une rupture avec la logique du capital