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Actualités

PADOA ou quand la start-up nation s’empare de la santé au travail

3 Mars 2022, 08:56am

Publié par La Cgt70

La loi du 2 août 2021 réformant la santé au travail impacte lourdement les Services de Santé au Travail Interentreprises (SSTI) qui vont d’ailleurs devenir des Services de Prévention et de Santé au Travail Inter-entreprises (SPSTI).

À cette occasion, la start-up PADOA, financée par des fonds privés1 s’invite dans la gestion de nos données de santé et des visites médicales.

En effet, PADOA a créé un logiciel pour « rationaliser » l’intervention des services de santé au travail. PADOA propose ainsi une prise de rendez-vous en ligne par les entreprises adhérentes pour leurs salarié.e.s et normalise la durée et le déroulé des consultations. Les salarié.e.s reçu.e.s doivent désormais répondre à un auto-questionnaire de pré-visite sur une tablette connectée pour évaluer eux-mêmes leur exposition aux risques et leur vécu au travail à travers 40 questions, choisies par les services de santé dans un panel construit par PADOA, les réponses à certaines questions pouvant être obligatoires.

Outre la déshumanisation complète de ce dispositif, le sens et les enjeux de la visité médicale ainsi que les missions des professionnels de santé sont entièrement remis en cause. Les secrétaires médicales voient ainsi leur activité transformée vers de l’aide à la compréhension et à la saisie de données médicales. Bien souvent, ces données sont collectées à l’accueil, dans des sas individuels ouverts qui ne garantissent pas la confidentialité. Les salarié.e.s répondent comme ils le peuvent – certain.e.s vivent avec humiliation le fait de ne pas comprendre ou de ne pouvoir répondre plus amplement aux questions posées. Ainsi, pour peu que le déclaratif apparaisse erroné, la relation entre les médecins ou infirmier.e.s s’amorce mal et ne facilité pas le dialogue, précieux pour déceler notamment des situations de souffrance au travail.

De plus, c’est désormais par ce logiciel de PADOA qu’est réalisé le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUER ou DUERP) selon une modalité, là aussi, « auto-administrée ».

Concrètement, lors de la mise à jour de leurs listes de salariés suivis, les entreprises adhérentes sont contraintes d’utiliser la plateforme internet pour établir leur DUERP, faute de quoi elles ne peuvent mettre à jour leurs informations administratives. Dès lors, ce n’est plus l’employeur qui réalise le DUERP et son plan d’actions mais, plus généralement, des secrétaires, des comptables et même des stagiaires.

Au final, le dispositif hébergera les données de santé au travail des salarié.e.s, et celles des entreprises (évaluation des risques professionnels). Dans les deux cas, la méthode d’auto-administration des questionnaires (médicales pour la/le salarié.e et sur les risques professionnels pour le DUER) pose de graves questions en termes de fiablité et de confidentialité. De plus, cela rend le recours au logiciel irréversible, les services n’étant plus propriétaires des données.

Tout cela pour un tarif exorbitant, de 7 à 9 euros par an et par salarié.e suivi.e.s ! Sans compter que les équipes médicales et pluridisciplinaires sont vampirisées dans des groupes de travail “d’utilisateurs “mis en place par PADOA, qui pompe allégrement toutes les données et fiches techniques fournies par ces équipes afin d’optimiser le logiciel.

Nous avons 2 mondes inconciliables qui se côtoient : d’une part une start-up dont les objectifs sont motivés par la finance et d’autre part des services de santé au travail à but non lucratif. L’actualité récente nous en indique beaucoup sur ce type de relations.

Pour la CGT, il faut dénoncer et combattre cette dérive en intervenant dans les commissions de contrôle et les conseils d’administration des services de santé au travail pour éviter la généralisation de la téléconsultation et de « l’autoadministration » ainsi que la privatisation de nos données de santé au travail.

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