Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Actualités

Un groupe de travail du Sénat fait le tour de France depuis plusieurs mois des conseils de prud’hommes pour faire une étude sur les « dysfonctionnements » des CPH et proposer des solutions, on s’en doute très progressistes !

11 Avril 2019, 15:15pm

Publié par La Cgt70

C’est une nouvelle attaque des CPH qui se prépare. La confédération a demandé à plusieurs reprises à être auditionnée par ce groupe, ce fut chose faite le 13 mars dernier, vous trouverez un compte-rendu de l’intervention de la CGT.

Par ailleurs, lors du dernier Conseil supérieur de la prud’homie le ministère a expliqué vouloir regarder les dysfonctionnements de certains conseils en raison de vacances des sièges dans certains conseils de prud’homme et certaines sections. Nous l’interprétons ni plus ni moins comme une réforme de la carte judiciaire des CPH.

La direction confédérale a pris la décision de réunir très rapidement un groupe de travail sur la question, en sollicitant des UD et des FD pour être à l’offensive et porter nos propres propositions en la matière.

 

Justice Prud'homale : Audition des organisations syndicales de salariés en date du 13 mars 2019 par le groupe de travail du Sénat commun à la commission des affaires sociales et à la commission des lois

Délégation CGT : Gwladys AUDUBERT LALANDE (mandatée CGT au Conseil Supérieur de la Prud’homie) Fabrice ANGEI (direction confédérale)

Préambule : Madame la Rapporteur, précise que ce groupe de travail sénatorial n’est soumis à aucun impératif législatif (pas de réforme dans les tuyaux) même si le projet de loi sur la modernisation de la justice vient percuter ses travaux avec la proposition de fusion des greffes du tribunal judiciaire et des conseils de prud’hommes (CPH).

Il s’agirait d’après les dires de la commission de réfléchir à des pistes d’amélioration sans remettre en cause la spécificité de la juridiction prud’homale. Les questions posées nous laissent cependant dubitatif … La commission qui a commencé ses travaux en novembre 20P18 entend rendre son rapport au mois de juin 2019. Les autres organisations syndicales auditionnées partagent à peu près les mêmes positionnements que la CGT, si ce n’est que la CFDT est plus encline à confier au juge professionnel (départiteur) plus de responsabilité et moins incisive sur la remise en cause des réformes de procédures introduites. Introduction : Nous partageons – si elle était réelle - cette volonté de réduire les délais des rendus de jugement des CPH, de rendre la justice prud’homale plus accessible et moins couteuse.

D’ailleurs la CGT a participé à la condamnation de l’Etat pour délais excessifs de procédure en 2011 puis en 2015. Mais est-ce vraiment le souci du groupe de travail du Sénat ?

On le voit dans le questionnaire : la tendance est à l’échevinage ! Or, 90% du contentieux au CPH est du contentieux du licenciement, et/ou l’octroi du paiement des heures supplémentaires. Il s’agit le plus souvent au principal de juger de la réalité et du sérieux d’une faute reprochée au salarié ou de son insuffisance professionnelle, le plus important n’est donc pas tant les aspects juridiques mais la connaissance pratique des relations de travail, des effets concrets d’une relation de subordination, etc.

L’intérêt d’un CPH tient à son paritarisme.

Etat des lieux : Pour parler de pistes de réformes, il nous faut partir de quelques chiffres, de quelques dates clés de réformes. 126 000 affaires nouvelles en 2017 au CPH, y compris référé. 149 000 en 2016, 184 000 en 2015, 187 000 en 2014, 205 000 en 2013, 217 000 en 2012, 228 000 en 2009…

Ce n’est pas là comme l’analyse la ministre du Travail une preuve de la fluidité, de l’amélioration des relations sociales qui est observée, grâce aux réformes successives du code du travail mais bien un accès rendu toujours plus difficile pour le salarié à la justice prud’homale.

Donc on a diminué les saisines par deux en 8 ans. Et cela, sans qu’encore les effets de la barèmisation ne soient intervenus !

2008 : C’est l’introduction de la rupture conventionnelle : Explosion de leur nombre avec une augmentation constante depuis 2008. Cf. les chiffres de la DARES; 20000 demandes d'homologation par mois en 2010, 30000 en 2015, 37000 en janvier 2019. Depuis l'entrée en vigueur de ce dispositif, plus de 3,1 millions de ruptures à l'amiable ont été signées. 430000 par an sont signées. La DARES estime de l'ordre de 10% à 20% l'effet de substitution aux licenciements économiques, sans compter l'impact sur l'Unedic.

2013 : C'est la modification du délai de prescription (de 5 ans à 2 ans pour les ruptures de contrat de travail et de 5 ans et de 3 ans pour les rappels de salaire), dont les effets ont mis du temps à se faire sentir puisqu’ils ne s’appliquaient pas aux ruptures antérieures à l’entrée en vigueur de la réforme. Et en 2017 les ordonnances Macron la font passer à 12 mois (pour les contentieux sur l’exécution et les ruptures mais toujours 3 ans pour les rappels de salaires), ce qui va encore impacter le nombre de saisine. Rappel : en 10 ans (de 2008 à 2017) on est passé d’une prescription de 30 ans à une prescription de 12 mois. A quand la prescription à deux mois ?

2015 : requête introductive d’instance : formulaire de 7 pages qui a fait chuter le nombre de saisine des CPH. D’une complexité inédite pour une juridiction censée être accessible au plus grand nombre, sans recours obligatoire à avocat, et surtout avec une procédure orale ! Sans compter que la mise en état avant le bureau de jugement ajoute également des délais supplémentaires à la procédure. Les médiations qui sont proposées de façon quasi systématique et de manière très insistantes n'aboutissent à rien tout en coûtant très cher au justiciable. Elles sont d'autant plus inutiles que la conciliation a déjà échouée !

2017 : Le plus catastrophique restera sans nul doute la barémisation, De toute évidence contraire aux conventions internationales (article 24 de la charte sociale européenne qui impose une réparation adéquate du licenciement injustifié), elle va, non seulement, encore faire chuter le nombre de saisines, puisque payer un avocat coûtera plus cher que ce que le salarié peut obtenir de dommages et intérêts, mais met en danger également l’effectivité de l’ensemble du Code du travail. Comment un salarié osera-t-il réclamer l’application de ses droits quand un licenciement sans cause réelle ni sérieuse « coute » si peu à son employeur ?

A ce jour une quinzaine de CPH sont passés outre, la CGT s'élève contre la demande faite par le gouvernement aux procureurs généraux des cours d'appel de recenser de tels cas afin de faire pression sur les juges pour que la barèmisation soit respectée ou dit autrement ... le droit patronal.

Les dysfonctionnements sont évidemment également liés au manque de personnel (greffiers et assistants) qui permettent de tenir les audiences (pas de greffier, pas d’audience !), et de conseillers, voire de CPH. Exemples : 2 conseils dans le 92, 1 seul dans le 93 ; 1 seul sur Paris ou Meaux !

Il manque parfois des salles d’audience pour tenir plusieurs audiences en même temps et il manque des moyens matériels (ordinateurs, codes du travail et autres documentations). Il est clair que les moyens budgétaires alloués au CPH sont notoirement insuffisant. 4 Votre adresse de messagerie est uniquement utilisée pour vous envoyer notre lettre d’information concernant l’activité CGT DLAJ. Vous pouvez à tout moment nous faire savoir votre souhait de désabonnement.

Cela ne va pas aller en s’améliorant car dans le projet de loi de programmation pour la Justice, en attente de la saisine du Conseil constitutionnel il est prévu de fusionner les greffes des CPH et des TGI, Ce qui va permettre aux TGI, eux-aussi insuffisamment dotés, d’aller puiser des moyens humains dans les CPH. Puis on se plaindra encore que la justice prud’homale est trop lente ... Pour davantage la mettre à mal !

Madame la Rapporteure, vous souhaitez trouver des pistes d'amélioration pour la justice prud'homale, la CGT a des propositions :

Propositions :

Mettre fin au barème prud’homal, contraire au droit international. Il faudrait absolument faire un bilan des effectifs de fonctionnaires manquants dans les CPH pour permettre un fonctionnement fluide de la Justice prud’homale. D’autant que l’augmentation du nombre d’audience de mise en état nécessite obligatoirement l’augmentation du nombre de greffiers.

Mettre fin à la fusion des greffes du CPH avec les TGI.

Faciliter la formation des conseillers, notamment les droits alloués aux formateurs :

ces droits sont trop faibles, nous manquons de formateurs, pas de stagiaires ! Aujourd’hui ils n’ont que les 18 jours (12 jours comme stagiaires et 6 jours formateurs) au titre du congé de formation économique et social.

Augmenter la rémunération de la vacation assez faible des conseillers, augmenter le nombre d’heures de rédaction trop faible (7 à 9 heures chez les juges professionnels contre 5 heures chez les conseillers, voire 1 heure en matière de en référé).

Renforcer le rôle et les moyens de l’inspection du travail, pour rappeler aux employeurs leurs obligations, car c’est quand même la raison n°1 de l’engorgement des CPH.

Propositions en termes de procédure :

Lorsque la charge de la preuve pèse sur l'employeur, notamment lorsqu’une faute est invoquée à l'appui d'un licenciement, la communication des pièces par l'employeur à l'appui de la faute, devrait être faite dès la séance du bureau de conciliation.

Pour augmenter le nombre de conciliations : Renforcement de la procédure dans l'exigence de la présence de l'employeur en conciliation en encadrant la notion de motif légitime pour pouvoir être représenté, par la formalisation obligatoire d'un écrit, avec des éléments objectifs, et vérifiables permettant au bureau de conciliation d'en apprécier le bien-fondé, mais aussi circonscrire le motif légitime à l'état de santé des parties, et à l'obtention d'un emploi pour le salarié.

Concernant l’accessibilité :

Allonger les délais de prescription (revenir au minimum à 5 ans).

Mettre fin à la procédure complexe et quasi écrite devant le CPH (cerfa, etc.) et surtout à la très complexe procédure en appel.

Mettre fin à la représentation obligatoire en appel.

Pour les défenseurs : augmenter le nombre d’heures : 10 heures par mois c’est à peine le temps nécessaire pour traiter un dossier. Il faut rencontrer le salarié, examiner ses pièces, aller chercher le droit applicable, monter le dossier, se rendre à plusieurs audiences, ...

Par ailleurs, il est indispensable de revenir sur le périmètre d’intervention du défenseur qui ne peut plaider que sur sa région notamment pour permettre à un défenseur syndical d'intervenir dans des cours d’appels situées hors région de son inscription ou encore s'agissant des défenseurs rattachés à des fédérations professionnelles avec parfois des spécificités très sectorielles comme les branches du spectacle ou de l'enseignement privé.

A ce titre nous demandons que la décision du Conseil d'Etat du 17 novembre 2017 sanctionnant cette limitation soit suivie d'effet. Accroître le Temps de formation des défenseurs et de leurs formateurs au titre du congé de formation économique sociale et syndicale.

Le régime de l'aide juridictionnelle doit être étendu pour faciliter l'accessibilité à la justice prud'homale. Les plafonds de ressources pour en bénéficier sont trop bas et il est urgent que les travailleurs sans papiers puissent en bénéficier et ne plus subir ainsi de "double peine" Étendre l’aide juridictionnelle aux salariés qui sont défendus par des défenseurs syndicaux, Le versement de l'aide juridictionnelle directement aux organisations syndicales éviterait les dérives liées aux frais enclenchées par les unions départementales et permettrait de payer les huissiers de justice etc. Les frais sont souvent supérieurs à l’article 700.

Élargir les effets des actions en justice des syndicats. En cas de non application du code du travail ou d’un accord collectif il faudrait améliorer les effets que peut produire une décision de justice suite à une action en justice d’un syndicat. Car la première raison pour laquelle les salariés ne saisissent pas la Justice est qu’ils sont encore en emploi !

Enfin, mais non le moindre, il est indispensable de revenir à l'élection des conseillers prud'hommes. Outre toutes les raisons qui le justifient, nous sommes persuadés, et l'expérience le démontre, que l'élection sur des listes syndicales permettrait de résoudre également le problème de manque de candidatures concernant certaines sections ou conseils qui conduisent aujourd'hui à des difficultés structurelles de fonctionnement.

Commenter cet article